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La détresse canine au petit écran

N’importe qui peut se prétendre « éducateur canin » au Québec. Vous, votre voisin, votre grand-mère. Il n’y a pas vraiment de limites, puisque le titre n’est pas encadré comme celui de vétérinaire ou d’avocat, par exemple. Ainsi, n’importe qui peut ouvrir une école d’éducation canine ou donner des conseils à gauche et à droite, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les animaux et leurs gardiens. 

Quelques organismes, comme la SPCA de Montréal et certains regroupements d’éducateurs canins, tentent d’amener cette profession à adopter des standards élevés de pratique. Toutefois, il faut être très vigilant quand on fait affaire avec un éducateur canin et vérifier notamment sa formation (surtout sa formation continue) et l’éthique des techniques qu’il utilise, et ce, qu’il fasse partie ou non d’un regroupement. 

Dans l’épisode du 24 octobre 2020 de la série Vie de chiens, diffusée sur ICI Explora, on voit des images très troublantes où M. Mathieu Lavallée entraîne un chien prénommé Jacques. Je ne connais pas le parcours professionnel détaillé de M. Lavallée, mais je peux dire sans me tromper qu’une mise à jour de ses connaissances et une approche plus éthique envers les animaux qu’il éduque s’imposent. 

Les dangers d’une mauvaise éducation  

Alors que tout le monde s’entend sur la nécessité de diminuer les risques de morsures, Radio Canada se permet, via l’une de ses chaînes, de véhiculer des techniques d’éducation canine dépassées qui peuvent avoir de graves répercussions sur la sécurité publique. 

En effet, dans l’épisode susmentionné, on voit le chien se faire étrangler, traîner de force, être obligé d’affronter sa peur de l’eau et être retenu lorsqu’il tente de fuir. Ces techniques sont totalement abusives et inutiles dans les circonstances. Il ne s’agit pas d’une situation d’urgence qui ne laisse aucune alternative. On y voit un humain choisir de recourir à ces techniques sans aucune gêne ni hésitation devant l’équipe de tournage; en fait, c’est même le thème de l’épisode. De plus, M. Lavallée parle d’un animal qui va finir par comprendre qu’il aime ça… Quel manque de jugement! En réalité, la scène nous montre une relation abusive qui fait fi de tout consentement de l’animal et qui est totalement dénuée de plaisir pour lui. 

Dans cet extrait, on voit un chien qui présente des signes majeurs de stress et qui se retrouve en impuissance acquise. Même la fuite est impossible. Dès qu’il tente de s’éloigner, il se fait étrangler de nouveau et doit retourner affronter sa peur. 

Ces techniques d’éducation causent des séquelles psychologiques et parfois mêmes physiques aux animaux. La littérature scientifique établit le lien clair entre ces pratiques et l’augmentation du stress chez les animaux. La science établit également le fait qu’un animal tendu est plus à risque de produire une réponse agressive, parfois sur le coup, mais parfois plus tard, lorsqu’il ne peut simplement plus tolérer le traitement qu’il subit. 

Ces techniques – dépassées et largement critiquées  constituent la recette parfaite pour fabriquer des bombes à retardement. 

Nommer le renforcement positif ne le crée pas! 

À plusieurs moments dans l’extrait de Vie de chiens cité plus haut, Mathieu Lavallée parle de « renforcement positif ». Or, l’éducateur semble très mal comprendre ce concept; il l’utilise confusément et ce au détriment du chien qu’il entraîne.  

M. Lavallée n’est pas le seul « éducateur canin » à utiliser le renforcement positif à toutes les sauces. Il n’est pas rare de voir ces « éducateurs » utiliser d’une main le « renforcement positif » et de l’autre des techniques d’entraînement très aversives. L’expression, devenue populaire, est synonyme pour plusieurs gardiens d’animaux d’un bon entraînement. Pour attirer les clients ou pour se donner bonne conscience, certains éducateurs parlent de renforcement positif alors que, dans les faits, ils punissent l’animal ou utilisent des techniques qui causent de l’inconfort. La désensibilisation systématique peut permettre de modifier le comportement de chiens comme Jacques et leur apprendre progressivement, en respectant leur seuil de tolérance, que certaines choses dont ils ont peur ne sont pas si dramatiques. 

L’abus n’a pas sa place à l’écran 

En cette époque où l’on s’offusque des fausses nouvelles ou informations qui nous bombardent, espérons que Radio-Canada prendra acte des enjeux soulevés ici et agira en conséquence. Il faut à tout prix éviter de donner de telles erreurs en exemples, sinon uniquement pour les dénoncer. 

La directrice du bien-être animal de la SPCA de Montréal, 
Amélie Martel  

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