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Le sauvetage de Jean-Paul

Ma casquette « SPCA » était un peu trop large et le polo « inspection » un peu trop moulant à mon goût, mais j’étais prête à me lancer. À titre de directrice générale par intérim de la SPCA de Montréal depuis avril dernier, j’allais accompagner sur la route la constable Simon de notre Département des enquêtes et inspections, afin de comprendre un peu mieux son travail.

Il n’était pas 10h00 et son cartable était plein de feuilles froissées par l’humidité : ce serait une autre journée pluvieuse. Après avoir effectué une visite de suivi chez une dame qui garde des chevaux et des chiens au nord de l’Île de Montréal, nous avons pris la direction de Lanaudière, où une dizaine de cas nous attendaient. Parmi ceux-ci, un veau malade laissé à l’abandon, des chats élevés dans des conditions inimaginables, des chiens maigres, d’autres qui avaient pris un peu de mieux depuis la dernière inspection.

Le travail d’une inspectrice sur la route c’est ça… La SPCA de Montréal en compte six, qui sont chargées de faire respecter la loi provinciale en matière de bien-être animal et les dispositions du Code criminel canadien concernant la cruauté envers les animaux. Elles passent environ la moitié de la semaine sur le terrain, où elles procèdent à des inspections et mènent des enquêtes. Les autres jours sont consacrés à la rédaction des rapports, au montage des dossiers judiciaires et aux témoignages en cour, quand c’est nécessaire.

En 2016, le Département des enquêtes et inspections de la SPCA de Montréal a reçu plus de 10 000 plaintes et signalements et a effectué des inspections auprès de 18 213 animaux, toutes espèces confondues. Au total, ces interventions ont mené à la saisie de 194 animaux et à plusieurs poursuites criminelles et pénales.

L’inspectrice que je suivais ce jour-là avait une cinquantaine de cas à traiter. Mais c’est complètement par hasard, alors que nous devions plutôt rendre visite à la maison voisine, que nous sommes tombées sur celui qu’on allait appeler « Jean-Paul Sartre ».

Quand nous nous sommes approchées de lui, nous avons constaté que Jean-Paul, un chiot de moins d’un an, était attaché à une chaîne de plastique qui s’était enroulée autour de sa patte arrière et risquait de lui causer des blessures graves. Il n’avait pas non plus accès à un bol d’eau fraîche.

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Les infractions étaient nombreuses, et la constable Simon les prenait en note quand la maîtresse de Jean-Paul est arrivée.

La scène qui s’est déroulée devant moi ce jour-là est l’une des plus difficiles qu’il m’ait été donné de voir, et c’est pourtant le quotidien des inspectrices. La dame, éplorée, expliquait à la constable qu’elle n’avait pas le temps de fournir à son chien toute l’attention qu’il demandait. Qu’il mangeait ses meubles. Qu’elle n’avait pas les moyens de l’amener chez le vétérinaire pour soigner ses problèmes de peau et le faire stériliser. Elle était en larmes. Je retenais les miennes.

L’inspectrice lui a suggéré une alimentation qui pourrait soulager les démangeaisons du chien tout en insistant pour qu’elle respecte les règles de base quand on garde un chien attaché à l’extérieur. Devant le désarroi de la dame, la constable a alors proposé une autre solution pour s’assurer que le chien jouisse au plus vite d’une meilleure qualité de vie. Patiemment, l’inspectrice a convaincu la femme de nous confier son animal. Nous allions le soigner. Nous allions lui trouver une nouvelle famille.

C’est ainsi que je me suis retrouvée avec un chien sur les genoux pendant les trois heures de route qui nous séparaient de la SPCA. Au bout d’un moment, Jean-Paul s’est paisiblement endormi contre moi. Le lendemain, il a été stérilisé, puis vu par une équipe d’évaluateurs en comportement canin avant d’être mis en adoption.

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Jean-Paul Sartre aura attendu une dizaine de jours avant de trouver une famille capable de lui donner tous les soins et l’attention dont un jeune chien comme lui a besoin. Entretemps, il a passé tous ses avant-midis avec moi, dans mon bureau. Certes, Jean-Paul a un peu perturbé mon travail, mais il est vite devenu le chouchou des employés et des médias.

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Bien que les inspectrices de la SPCA de Montréal soient des « constables spéciales » –semblables à des policières, mais sans arme –, leur salaire n’est pas payé par le gouvernement. Ce sont essentiellement les dons du public qui leur permettent de faire leur travail. Pour nous aider à continuer de traiter les milliers de plaintes reçues chaque année, à soigner les animaux saisis et cédés et à leur donner de meilleures vies, donnez dès maintenant à la SPCA de Montréal.

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bio_elise_desaulniersÉlise Desaulniers

Élise Desaulniers est la Directrice générale par intérim de la SPCA de Montréal, une chercheuse indépendante, ainsi qu’une militante pour les droits des animaux. Elle est notamment une des instigatrices du manifeste Les animaux ne sont pas des choses qui a mené à une réforme du Code civil du Québec reconnaissant explicitement les animaux comme des êtres sensibles. Elle a aussi publié trois essais sur les questions éthiques liées à l’alimentation traduits en anglais, italien et espagnol et est souvent invitée à prononcer des conférences sur la question. (Crédit photo : Same Ravenelle)

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